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2ème partie
On l'appelait le Fernand d'elle.
En 1914, mon père
fut mobilisé. J'allais
à récole, et je détestais ça. Je décidais
de devenir un
"homme qui travaille". Je donnai ma démission à
l'instituteur qui n'en est pas
encore revenu. Et je cherchai une
place. J'étais fluet comme un
lutin, mais mon sourire faisait
déjà bonne impression... » En attendant son heureSur le moment, cependant, la farce a un goût amer car, dès le lendemain, il est prié de prendre la porte. Commence la période des petits boulots. Il est balayeur, garçon de courses, employé aux écritures ; il travaille dans une savonnerie, relève les compteurs pour la Compagnie d'électricité. En somme, il perd son temps en attendant son heure. Car il n'a certes pas renoncé au music-hall. Il s'impatiente contre sa mère qui ne l'a jamais vraiment compris, contre son père aussi qui, de retour des tranchées, a jeté ses paillettes aux orties pour faire une fin dans l'alimentation. Seulement, le music-hall n'est qu'un rêve, pour l'heure inaccessible, et Fernand doit se plier aux contingences du quotidien. Il s'y plie... mais ne rompt pas. Incapable de rentrer dans le rang, il se fait régulièrement renvoyer, passe d'une place à une autre. Il entre enfin à la Banque populaire provençale, sans savoir que son destin vient de prendre un virage en épingle à cheveux. Car, parmi ses nouveaux collègues, il retrouve Jean Manse (qui deviendra par la suite l'auteur de bon nombre de ses chansons et le scénariste d'un certain nombre de ses films), qu'il a connu dans son enfance. Les deux jeunes gens renouent avec bonheur, et Jean invite Fernand chez lui. Accueil chaleureux de la part de monsieur et madame Manse. Et aussi de la part d'Henriette, la sœur de Jean, quoique réservée à en juger par la roseur de ses joues quand elle serre la main du jeune et piaffant Contandin. Roseur qui autorise celui-ci à faire les yeux doux à la jeune fille, à la courtiser, à s'attarder de plus en plus souvent chez les Manse quand il raccompagne son copain Jean après la fermeture de la banque. Bref, Fernand est tombé amoureux d'Henriette et réciproquement. « Elle m'appelait si doucement "Mon Fernand", avec son petit assent, là... » Chez les Manse, quand on parle de lui, on ne dit plus que « le Fernand d'Henriette », ou encore, de façon plus familière, « le Fernand d'elle ». Fernand d'elle... le nom lui restera. Et, bien sûr, les deux tourtereaux brûlent de se marier. Encore faudrait-il que Fernand ait les moyens d'entretenir une famille. On est en 1922, et la chance pointe le bout de son nez. Il signe son premier contrat pour l'Eldorado de Nice. Et, attention, pas un contrat pour rire, un contrat à 110 francs par jour ! Cette fois, il fait ses vrais débuts et inaugure sa carrière sous le nom de... Fernandel. Tu finiras au bagne !S'il a cru, un instant, avoir enfin la gloire et la fortune à portée de main, Fernand s'est trompé. Après l'Eldorado s'ouvre une nouvelle période creuse. Pas pour longtemps toutefois. Il est engagé à Toulon. Il joue ensuite le brigadier Verjus dans Le Cavalier Lafleur, opérette de Baine et Mauprey. Mais il doit bien se rendre à l'évidence : la vie d'artiste ne nourrit pas son homme. La mort dans l'âme, il entre à la Savonnerie du Fer-à-Cheval au poste de vérificateur-facturier. Du moins, pense-t-il, cet emploi stable même si pas folichon lui permettra d'épouser son Henriette. Et, le 4 avril 1925, le mariage est enfin célébré. Madame Contandin n'y assiste pas. Elle n'aime pas les Manse et prend son fils pour un bon à rien, ou du moins pour un pas bon à grand-chose. Quand il lui a annoncé son intention de se marier, elle lui a répondu avec férocité : « Tu finiras au bagne ! » C'est presque ça, puisque le voilà guetté par le service militaire. Oh certes, il joue la montre, obtient un sursis, mais trop court à son gré puisqu'il rejoint le 93e régiment d'artillerie de montagne, à Grenoble, dès le mois de mai. ■ À suivre • • • |